« Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine, où certains regards brûlent par eux-mêmes de trop de feux, où la cadence de la vie n’est pas la même qu’ailleurs, où un esprit d’aventure habite encore certains êtres, Nantes d’où peuvent encore me venir des amis, Nantes, où j’ai aimé un parc, le parc de Procé. »
Cette phrase, elle est d’André Breton, père du surréalisme, courant qui bouleversa la sensibilité artistique du 20ème siècle. Il n’a que 19 ans lorsqu’il débarque à Nantes, en juillet 1915. Étudiant en médecine, il est mobilisé comme infirmier militaire.
Il n’y reste qu’une année. Pourtant, c’est à Nantes déjà si surprenante, qu’André Breton cultive son « grain de folie ». Une de ses occupations est de s’évader au parc de Procé, havre de paix durant cette période tourmentée, en lisant ses poèmes favoris.
En cette fin de journée de novembre, Procé m’inspire également de belles rêveries. Dans ce parc de 12 hectares aménagé à l’anglaise, tout est pensé pour donner une atmosphère romantique. L’amour et le rêve sont d’ailleurs des thèmes favoris des surréalistes. Leur crédo : abolir les frontières entre la réalité et l’imaginaire. « L’imaginaire, c’est ce qui tend à devenir réel », écrivait Breton.
Sous cette lumière dorée, j’avance au rythme du bruit des feuilles qui craquent sous mes chaussures. Comme dans un parcours enchanté, je suis promenée, entraînée par une force poétique. Les chemins tout en courbe du parc s’imprègnent d’une douce mélancolie : des touches de jaune, de rouge, de cuivre, de vermillon si intenses qu’elles en seraient presque irréelles. Quelques touches de vert, par-ci, par-là apportent de magnifiques contrastes à ce tableau naturel.
Je ne sais pas pour vous, mais cette promenade a réveillé mon âme de poète. Je vous laisse donc sur ces quelques vers d’Apollinaire …
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule